Parution de Plainte contre la France et du Pays des forêts sans ours
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Vers l’alliance entre les hommes et les animaux sauvages
Je suis heureux d’annoncer la parution de Plainte contre la France, Pour défaut de protection de l’ours des Pyrénées, aux éditions Imho (Paris) www.imho.fr, un ouvrage auquel j’ai participé. Ce livre paraît dans la collection Radicaux Libres créée et dirigée par l’écrivain et écologiste radical Armand Farrachi. |
Le projet de ce livre est né au moment du dépôt de plaintes associatives contre l’Etat français devant la Commission européenne, plaintes destinées à entraîner la condamnation de la France pour non respect des règles communautaires qui protègent (sur le papier !) l’ours brun.
Cet ouvrage offre au lecteur un ensemble de pièces qui forment un « dossier » : une plainte abrégée et rendue lisible pour le commun des mortels, de longs commentaires sur cette plainte et des documents. Ce travail a été le fruit de diverses personnes membres d’associations de protection de la nature.
Pour ma part, j’ai écrit un essai, qui mêle aussi des récits, intitulé Le Pays des forêts sans ours, nourri de mes 17 années de vie, d’observation et de combat dans les Pyrénées. C’est à la fois le constat d’un échec (nié par beaucoup), mais c’est aussi un essai qui entend ouvrir des chemins jusque-là peu ou pas empruntés.
J’ai d’abord hésité à accepter la proposition qui m’était faite d’écrire un tel texte, car je considère que trop d’ouvrages, trop d’articles de journaux et de magazines paraissent sur les questions dites écologiques, et en l’occurrence sur les questions ursines. Les libraires, les lecteurs vous le disent et s’agacent parfois, car on lit trop souvent la même chose, loin des réalités brutes, c’est-à-dire pleines de nuances, de contradictions, et pleines de vie. L’ours, cet être de chair et de sang, est trop souvent occulté au profit de considérations politiciennes, syndicales, économiques et associatives. Oui, l’ours est malheureusement devenu un objet.
J’ai donc voulu contribuer à lui restituer son rang de sujet, et même de personne animale, tant je rejette aujourd’hui cette tendance lourde à considérer les animaux comme une masse plus ou moins informe avec laquelle on peut expérimenter un certain nombre de projets humains. La question de l’éthique est donc à mes yeux une priorité absolue.
Diverses expériences, puis notre installation depuis bientôt un an et demi dans les vallées des Pyrénées occidentales, et le grand recul pris avec la protection officielle de l’ours, m’ont aussi permis d’ouvrir réellement les yeux sur la nécessité impérative de pratiquer l’écologie humaine. J’avais grand besoin de lever le nez du guidon !
Dans leur majorité, même s’ils s’en défendent, les défenseurs de l’ours opposent frontalement les « pro » et les « anti » ours. C’est une grave erreur. Faut-il donc vivre à leur contact, pour sentir que les populations des territoires ursins sont confrontées à des difficultés économiques et sociales grandissantes et qu’elles sont, encore plus qu’ailleurs, réticentes à tout bouleversement. C’est presque un réflexe de classe, pour reprendre le vocabulaire marxiste, de s’opposer à tout ce provient, ou semble provenir d’ailleurs.
Ces populations montagnardes sont enfin, pour des raisons culturelles, méfiantes, voire très opposées, à ce que nous appelons le sauvage ou la naturalité. Il ne faut jamais perdre de vue que depuis des millénaires les civilisations pastorales ont lutté contre la nature, contre les grands mammifères, pour forger une grande part des paysages pyrénéens, auxquels bien des gens sont attachés. |
Hier, la montagne en face de chez nous, qui n’abrite que des sangliers et des chevreuils, brûlait sous les flammes d’un feu pastoral. Pour quelques mois de l’année, elle sera une montagne à vaches, quand nous rêverions qu’elle soit bien plus boisée et qu’elle accueille des ours, des loups, des lynx, des cerfs, des isards… et des vaches.
C’est pourquoi les lâchers d’ours cristallisent aujourd’hui de telles craintes et un tel rejet d’une frange de la population qui s’oppose à « l’ensauvagement des Pyrénées ». L’ours, et demain le loup, représentent ce retour de la nature la moins maîtrisée, celle contre laquelle, justement, des générations d’hommes ont farouchement lutté. N’oublions jamais non plus, que les populations des plaines d’Europe occidentale ont éradiqué avant les peuples montagnards toute la grande faune carnivore et même herbivore. | |
Sait-on que des élans, des chevaux primitifs, des bisons, des aurochs peuplaient encore l’Europe il y a quelques siècles à peine ? J’écris ceci, sachant très bien quelles sont mes racines familiales. |
Le nom de mon père, Carbonnaux, est manifestement celui d’une lignée ancienne de charbonniers qui vivaient aux dépens de la forêt, et dont la souche contemporaine, au moins depuis le 19ème siècle, cultivait, et cultive encore pour une part, les grandes plaines de l’Aisne, défrichées et vides de leur faune. La famille de ma mère est belge, avec des origines flamandes et néerlandaises, issues de ces contrées très anthropisées, également vides de la grande faune. Imaginez quels immenses territoires ont perdu les grands animaux dans les plaines européennes. Imaginez combien il sera également difficile de voir revenir certaines espèces qui effraient parfois les populations (je pense au loup) et/ou qui buteront devant les intérêts agricoles et forestiers (je pense à l’élan). |
Pour des raisons culturelles, historiques, économiques et sociales, des lâchers d’ours mal pensés n’aboutiront donc jamais à la reconstitution d’une population d’ours dans les Pyrénées, et n’entretiendront qu’illusion et confusion. Or, le retour de l’ours ne sera opéré que lorsque des centaines d’individus repeupleront tout le massif, seuls à même d’assurer la viabilité de l’espèce. Si ce retour suppose l’édiction de règles fermes, notamment en matière de chasse en battue ou en matière pastorale, il nécessite un ancrage profond de la défense de l’ours au sein des territoires concernés, une très grande rigueur, une forte capacité d’écoute et de compréhension, et une inévitable remise en cause des échecs passés.
La collection Radicaux Libres, qui publie Plainte contre la France entend « favoriser une « réformation » complète des valeurs en cours en donnant une voix à ce que les pouvoirs ne veulent pas entendre ». Elle postule qu’ « une révolution écologique appelle un véritable changement de civilisation. » Je remercie ici son directeur de m’avoir permis de m’exprimer et j’appelle les futurs lecteurs à s’emparer de la question fondamentale du retour de l’ours, en faisant fi des mandarinats et des idées toutes faites, en cherchant par tous les moyens à se forger une réflexion autonome. La fréquentation assidue et hors-piste du terrain, animal et humain, est bien évidemment une des voies essentielles pour s’extraire des autoroutes balisées de la fausse pensée « écologique ».
Le retour de l’ours, n’est pas, à mes yeux, un projet de développement fut-il « écologique » ou « durable », | |
il doit accompagner et précipiter l’inévitable changement de civilisation. |
Il est un projet d’avant-garde avec pour volonté farouche d’œuvrer pour l’alliance future des hommes et de la nature sauvage.
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Nous sommes nombreux à souhaiter un vrai retour de l'ours, mais gare à ne pas confondre ce retour avec des lâchers d'animaux, plus ou moins sous contrôle humain, toujours seuls en première ligne ...
Stéphan
PS : je remercie également ici Philippe Charlier, naturaliste et combattant de la cause de l’ours et de la nature sauvage, qui a relu attentivement Le Pays des forêts sans ours, et proposé des remarques avisées. Son nom a malheureusement été oublié lors de la mise en page du livre.
PS : Armand Farrachi vient de publier Une semaine chez les ours aux éditions Les Liens qui libèrent (Paris). |
PS : Vous pouvez d'ores et déjà nous commander directement cet ouvrage. Pour plus d'information, cliquer ici.
Sources des clichés : Elan :
http://moosecrossing.wordpress.com/2008/09/01/moose/
; autres clichés : Denis et Claude Gamby ; Grégory et Stéphan Carbonnaux ; Marie Coquet
Note importante : Marie et moi-même sommes fermement opposés à de nouveaux lâchers d'ours dans les Pyrénées, dans les conditions actuelles. La première partie de Plainte contre la France a été rédigé par un collectif dont les propos n'engage que lui. Je m'exprime sur la question personnellement dans la seconde partie du livre.