Quand Ernst Jünger annonçait les prochains Titans et défendait la poésie, "signe de reconnaissance" de l'homme
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A l'occasion de son centenaire, en 1995, l'écrivain allemand Ernst Jünger, accorda une ultime et unique série d'entretiens à ses deux traducteurs italiens, Antonio Gnoli et Franco Volpi. L'ensemble de ces entretiens fut édité sous le titre Les prochains Titans chez Grasset en 1998.
Nous vous livrons un extrait de cet ouvrage roboratif.
Question : "Vers quoi est orientée et vers quelles perspectives tend votre philosophie de l'histoire ?"
"Avec le XXIe siècle, nous entrerons dans une nouvelle ère des Titans, qui sera caractérisée par la libération d'une quantité énorme d'énergie. Je pense en premier lieu à l'énergie atomique. Mais aussi à toute l'énergie qu'il faudra produire pour satisfaire les besoins d'une population mondiale en augmentation constante. La planète sera soumise à une accélération à laquelle l'humanité devra s'adapter en se transformant elle-même. L'ancien devra laisser la place au nouveau. Voilà pourquoi le Travailleur restera la forme d'homme adaptée à la nouvelle réalité. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons suivre la recommendantion de Spengler selon laquelle les nouvelles générations "devront se consacrer à la technique plutôt qu'à la poésie lyrique, à la marine plutôt qu'à la théorie de la connaissance." Certes, pour survivre dans la transition, il faut se débarrasser du supeflu. Toutefois, je reste persuadé que la poésie fait partie non pas de ces brimborions dont il faut se délester, mais de la nature de l'homme. C'est son signe de reconnaissance. Et peut-être de nouveaux dieux apparaîtront-ils à l'horizon de l'homme."
Pendant les périodes troublées, Ernst Jünger
plaidait le recours aux forêts, c'est-à-dire
le retrait de l'homme au plus profond de lui-même,
pour affronter et vaincre
l'angoisse le doute et la douleur.
Rien n'empêche évidemment de recourir aussi aux
forêts sauvages, naturellement chargées de poésie.