Rosny Aîné : un grand maître du sauvage pour nos temps difficiles
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« Toute chose était neuve comme sa jeunesse ; le monde recommençait chaque matin ; l’herbe, l’arbre, le calice, la corolle, l’eau et les nuages étaient inépuisables. Il y aurait éternellement des chevaux et des aurochs paissant la savane ; des hippopotames parmi les roseaux : des rhinocéros nombreux et des sangliers bourrus ; des cerfs à la voix chevrotante ; des mégacéros aux bois géants ; et même des mammouths semblables aux vieux sycomores.
Jamais les biches ne cesseraient de vivre sous les ramures, les corbeaux de s’assembler en troupes noires ; les ramiers, les cigognes, les canards, les grues, les hirondelles de parcourir la vaste étendue…
Un monde où n’existerait plus les vautours, ni l’aigle, ni le lion des cavernes, ni le léopard roux ou le léopard noir, ni les hérons rêvant sur les promontoires, ni les insectes sans nombre, ni les bêtes des eaux, n’avait aucune figure pour Helgvor. »
Extrait de la nouvelle Le Voyage :
« Il me reste, de ce voyage, un souvenir délicieux. J’ai mieux senti la Vie de la Terre. Et j’ai compris avec intensité et mélancolie que l’homme faisait fausse route, - qu’il était temps de revenir à plus de fraternité envers les frères inférieurs, - que notre existence serait cent fois plus belle, plus noble et plus haute si nous pouvions cesser notre épouvantable tuerie et faire des alliés de ces bêtes superbes dont nous faisons actuellement nos victimes. »
Ce génial écrivain belge (1856 - 1940), membre et président de l'Académie Goncourt - à l'époque elle avait encore du sens, est injustement oublié aujourd'hui.
Il publia quantité d'ouvrages, certains avec son frère Rosny Jeune, dont les premiers textes de science-fiction en langue française et ses fameux romans des âges farouches, dont le public ne connaît souvent que La Guerre du feu.
Les romans et nouvelles préhistoriques de Jules-Henry Rosny Aîné sont présentés comme une littérature de jeunesse. Ne vous méprennez pas ! Il s'agit d'une littérature pour tous âges, un puissant antidote à notre époque neurasthénique. Cherchez dans les bibliothèques ou les armoires des maisons de famille, un Rosny vous ouvrira les portes d'un univers fabuleux, qui fut celui des hommes pendant des dizaines de millénaires.
L'oeuvre de Robert Hainard, sa vision de cités ultramodernes au sein d’une vaste nature sauvage, la promotion de la naturalité par le groupe « Forêts sauvages », l’œuvre photographique et poétique de Bernard Boisson, le projet du « Dragon vert » d’Alain Sennepin, l’étude et la defense de la vie en biodiversité totale par Joao Pedro Galhano Alves, le projet Sylvaners de Jennifer Dalrymple, l'oeuvre de Claude Dendaletche, la vision et les travaux de Dave Foreman, parmi d'autres, et les sublimes pages et intuitions de Rosny Aîné sont les portes d'un seul et même monde libre et châtoyant qu'il ne tient qu'à chacun d'entre nous de pousser.
Hauts les coeurs !
Stéphan Carbonnaux
Avec une pensée particulière pour Michel et Alain Sennepin.
Sources : le portrait de Rosny Aîné ici publié a été exécuté en 1936 par le peintre, dessinateur et miniaturiste André Aaron Bilis. Il est extrait du site www.remydegourmont.org consacré à un grand écrivain contemporain de Rosny. Voir aussi le site www.andre-aarron-bilis.com